La vidéo va-t-elle tuer le théâtre ?

610 novembre 2023

Pierre Martin Oriol créateur vidéo

Qu’apporte donc la vidéo à vingt-cinq siècles de théâtre ? Strictement rien ! En effet, la vidéo fait partie du théâtre, au même titre que la lumière, le son, la scénographie et, dans une certaine mesure, les acteurs… Elle est le théâtre même.

Les images sont omniprésentes dans notre quotidien, mais on voudrait sanctuariser l’espace prétendument sacré de la scène. Drôle d’idée… Anne-Cécile Vandalem,  Christiane Jatahy, Guy Cassiers, Katie Mitchell ou encore Cyril Teste. Voici le nom de quelques assassins décidés à ruiner le théâtre contemporain.

Depuis dix ans, j’ai participé à l’élaboration de plusieurs spectacles incluant structurellement et organiquement de la vidéo, et notamment de la vidéo live. J’ai participé aux créations de Julien Gosselin et de Tiphaine Raffier, et dans ce contexte, j’ai pu observer que l’art de l’acteur est déplacé, décalé. L’interprète n’est plus un centre absolu autour duquel le spectacle existe ; il est un agent d’une narration globale, médiatisée. Il doit apprendre à jouer à proximité d’une caméra, pour une caméra, et au service d’un spectacle qui le dépasse.

Ainsi, je nous propose de réfléchir à l’art de l’acteur à l’épreuve de l’objectif, en considérant que l’acteur de théâtre n’est pas un acteur de cinéma. Pour ce faire, nous réaliserons un film à partir d’improvisations filmées et de tournages additionnels. Mais nous ferons du théâtre, à n’en pas douter.
 

“Il est loin le temps où, pour Jacques Copeau, il suffisait 
« d’un tréteau et de deux chiffons pour raconter le monde ». 
Désormais, les scènes de théâtre sont peuplées de caméras. […] 
Mais qu’apporte la vidéo à vingt-cinq siècles de théâtre ?” 

Extrait de l’article “La vidéo va-t-elle tuer le théâtre ?”
www.lefigaro.fr, avril 2023 

 

Pierre Martin Oriol

Après des études de littérature contemporaine et de journalisme, Pierre Martin Oriol devient créateur vidéo pour le spectacle vivant. Son travail se concentre sur la relation entre texte et image, le design graphique et l’utilisation de la vidéo live.

Avec Si vous pouviez lécher mon cœur et le metteur en scène Julien Gosselin, il crée la vidéo des Particules élémentaires, de 2666 et de la trilogie Don DeLillo. Il travaille également avec Tiphaine Raffier (La Chanson, Dans le Nom, France-fantôme, La réponse des Hommes et Némésis) et Christophe Rauck (La Faculté des rêves et Dissection d’une chute de neige, en 2020 et 2021).

Avec Ted Huffman, il conçoit la vidéo de concerts et d’opéras au Royal Opera House de Londres (4.48 Psychosis), au Nationale Opera & Ballet d’Amsterdam (Trouble in Tahiti), à la Monnaie de Bruxelles (The Time of our singing) et à Opera Philadelphia (Denis & Katya).

Pour le festival de Bergen, en Norvège, Pierre Martin Oriol réalise My favorite piece is the Goldberg Variations avec Andreas Boregaard et Philip Venables. En 2022, il collabore avec Peter Sellars pour Roman de Fauvel, au Théâtre du Châtelet.

Le 1er janvier 2015, il entame le projet “PDJ”, qui consiste à prendre une photo chaque jour, tous les jours. Il a également réalisé de nombreux films et vidéos, de Relativité Générale à Nanterre en passant par Plus noire sera la nuit. Il prépare actuellement un moyen métrage intitulé Détruire.