Quartett

À la précision des échanges épistolaires du célèbre roman de Laclos, la version du dramaturge allemand préfère une cruauté du langage dialogué. Valmont et Merteuil sont ressuscités le temps d’un dernier combat, dans un lieu et une époque bizarrement situés : « Un salon d’avant la Révolution française – Un bunker d’après la Troisième Guerre mondiale ». Et guerre il y aura, faite de mots tranchants, de phrases spirituelles ou obscènes. Les deux libertins oisifs, qui excellent dans l’art du mensonge et de la persuasion, n’ont aucune limite. Quartett rejoue leur relation passionnelle et les intrigues érotiques qui ont conduit au sacrifice d’êtres moins rompus qu’eux à la perversion, Cécile de Volanges et la présidente de Tourvel.

Se plaçant dans l’histoire de mises en scène mythiques – de Patrice Chéreau à Robert Wilson – Jacques Vincey (Grammaire des mammifères) choisit Stanislas Nordey et Hélène Alexandridis pour donner chair et parole au couple infernal. Le premier « jouit de la langue et de la pensée comme d’une matière érotique », l’autre avance, faussement fragile « intuitive, réactive ». Car il faut des monstres de jeu pour tenir la rage érotique de Quartett, encaisser les blessures qui s’ouvrent à chaque mot, résister au vertigineux jeu de massacre. Entre ces deux fauves, Alexandre Meyer, fidèle compagnon-musicien de Vincey, rôde entre les mots, peuple les silences de musique. Et suspend, lors de brèves accalmies, le temps de la parole empoisonnée.